Publié le 10 mai 2024

La solution à nos problèmes de mobilité ne viendra pas de véhicules plus rapides ou plus intelligents, mais d’une réorganisation profonde de nos territoires qui rend la plupart de nos déplacements quotidiens inutiles.

  • La montée du télétravail et des services virtuels inaugure un « droit à l’immobilité » qui remet en question la nécessité de se déplacer pour travailler.
  • Les projets de société comme la « ville du quart d’heure » visent à recréer des proximités fonctionnelles pour transformer la mobilité subie en mobilité choisie.
  • Les défis uniques du Québec (vieillissement, hivernalité, vastitude) exigent des solutions sur mesure plutôt que l’importation de modèles étrangers.

Recommandation : Cesser de penser en termes de « comment se déplacer plus vite » pour commencer à questionner « pourquoi devons-nous nous déplacer autant », et agir localement pour reconstruire des milieux de vie complets.

L’imaginaire collectif est saturé de promesses technologiques. Face aux artères congestionnées de Montréal ou au débat sans fin sur un troisième lien à Québec, nous rêvons de voitures électriques silencieuses, de véhicules autonomes qui nous conduiraient pendant que nous lisons, voire de taxis volants tout droit sortis d’un film de science-fiction. Ces visions, centrées sur l’objet technique, postulent toutes que l’avenir consiste à optimiser nos déplacements. Nous cherchons frénétiquement à améliorer les réponses à la question du « comment » nous déplacer.

Pourtant, cette course à l’innovation technologique occulte une question bien plus fondamentale, une question qui touche au cœur de notre modèle de société : et si la véritable révolution n’était pas de se déplacer mieux, mais d’avoir moins de raisons de se déplacer ? Si le futur de la mobilité résidait moins dans la performance de nos engins que dans l’intelligence de nos aménagements ? Cette perspective déplace le débat du véhicule vers le milieu de vie, de la technologie vers le projet de société. Elle nous invite à explorer une idée contre-intuitive : la meilleure mobilité pourrait être, paradoxalement, une forme d’immobilité choisie.

Cet article propose de délaisser les schémas habituels pour explorer cette voie. Nous analyserons comment les transformations virtuelles, les nouveaux modèles urbains et les défis démographiques spécifiques au Québec nous obligent à repenser la finalité même de nos allées et venues. L’enjeu n’est plus seulement de fluidifier le trafic, mais de construire une société où la mobilité redevient un choix, un plaisir, et non plus une contrainte quotidienne.

Pour naviguer cette réflexion complexe, cet article est structuré autour de questions provocatrices et de pistes de solutions concrètes. Le sommaire ci-dessous vous guidera à travers les grands enjeux qui définiront la manière dont les Québécois vivront et se déplaceront demain.

Et si la meilleure mobilité était l’immobilité ? L’impact de la révolution virtuelle

Avant même d’envisager de nouveaux modes de transport, une révolution silencieuse a déjà commencé à redéfinir nos besoins de déplacement : la dématérialisation. La pandémie de COVID-19 n’a été qu’un accélérateur d’une tendance de fond où le virtuel supplante le physique, créant ce que l’on pourrait appeler un « droit à l’immobilité ». Le télétravail, autrefois une niche, est devenu une composante structurelle de l’économie québécoise. L’enquête métropolitaine 2023 de l’ARTM révèle que, dans la région de Montréal, 26% des travailleurs à temps plein sont en télétravail, un chiffre qui grimpe à 41% pour ceux dont l’emploi est situé au centre-ville.

Cette mutation n’est pas sans conséquences sur le territoire. Elle vide partiellement les quartiers d’affaires, autrefois destinations obligées de centaines de milliers de navetteurs. L’exemple de la Capitale-Nationale est frappant. Entre 2017 et 2023, le nombre de déplacements quotidiens vers la Colline parlementaire a chuté de 22,7%. Cette baisse illustre concrètement l’effritement de la mobilité subie, celle du trajet domicile-travail obligatoire qui dicte l’organisation des journées et la géographie de nos villes.

Ce phénomène nous force à poser une question fondamentale : si une part croissante de la population n’a plus besoin de se déplacer quotidiennement pour travailler, l’enjeu principal est-il encore de construire des infrastructures pour les heures de pointe ? Ou ne devrions-nous pas plutôt nous concentrer sur la qualité des milieux de vie locaux, là où les gens passent désormais la majorité de leur temps ? L’immobilité choisie, loin d’être un isolement, devient alors une opportunité de renforcer les liens de proximité et de redynamiser les quartiers résidentiels, qui ne sont plus de simples « cités-dortoirs ».

La question n’est plus seulement de savoir comment connecter le domicile au bureau, mais comment enrichir la vie dans un rayon de quelques kilomètres autour du domicile.

Le cauchemar de la voiture autonome : des villes paralysées par des flottes de véhicules zombies

Parmi les promesses technologiques, celle du véhicule autonome (VA) est l’une des plus séduisantes. On imagine un futur où les embouteillages disparaissent, où le temps de trajet devient productif ou relaxant. Pourtant, cette vision optimiste se heurte à des obstacles majeurs, notamment au Québec. Le premier, et non le moindre, est notre climat. Comme le souligne Sousso Kelouwani, professeur et spécialiste des véhicules intelligents, la poudrerie, la glace et les chaussées enneigées représentent un défi colossal pour les capteurs des VA, des conditions présentes jusqu’à 20% du temps en milieu urbain.

L’idée d’une flotte de voitures parfaitement synchronisées se transforme vite en cauchemar lorsque les lidars et caméras sont recouverts de glace, rendant la technologie inopérante précisément quand les conditions de conduite sont les plus dangereuses.

Gros plan sur les capteurs givrés d'un véhicule autonome lors d'une tempête de neige québécoise

Au-delà de l’obstacle de l’hivernation technologique, un risque plus pernicieux se profile : l’effet rebond. En rendant le déplacement passif et peu coûteux (en temps et en effort), les VA pourraient inciter à une augmentation drastique du nombre de kilomètres parcourus. On pourrait assister à l’émergence de « véhicules zombies » : des voitures vides qui circulent pour éviter de payer un stationnement, qui vont chercher les enfants à l’école seules ou qui font des allers-retours entre la banlieue et le centre-ville pour ramener un seul passager. Plutôt que de résoudre la congestion, une adoption massive et non régulée des VA risquerait de paralyser nos villes sous un flot ininterrompu de trafic, anéantissant tout gain potentiel et aggravant l’étalement urbain.

La voiture autonome, si elle n’est pas intégrée dans un cadre de mobilité partagée et de densification urbaine, pourrait bien devenir l’agent principal d’une dystopie de la mobilité.

La ville du quart d’heure : le projet de société pour une mobilité choisie et non subie

Face à l’impasse de la mobilité subie et aux mirages technologiques, une vision alternative gagne du terrain : la « ville du quart d’heure ». Ce concept, popularisé par le franco-colombien Carlos Moreno, propose un changement de paradigme radical. L’objectif n’est plus d’aller plus vite, mais de vivre plus près. Il s’agit de réorganiser la ville pour que chaque citoyen puisse accéder à l’essentiel de ses besoins – travail, achats, santé, éducation, loisirs – en moins de 15 minutes à pied ou à vélo. Ce modèle s’attaque à la racine du problème de la mobilité moderne : la fragmentation fonctionnelle de nos villes.

Comme le décrit parfaitement l’urbaniste Érick Rivard, nous avons méthodiquement séparé les fonctions urbaines : « On a mis les lieux de travail à un certain endroit, les pôles universitaires et scolaires à un autre endroit, les pôles commerciaux, tous regroupés au même endroit… ce qui fait qu’aujourd’hui, on a une ville avec plein de petits morceaux, souvent unifonctionnels, qui obligent de très grands déplacements ». La ville du quart d’heure est un projet de « recouture » urbaine, visant à recréer une proximité fonctionnelle et une mixité d’usages à l’échelle du quartier.

Ce n’est pas seulement un projet d’urbanisme, c’est un projet de société. Il vise à transformer la mobilité contrainte en mobilité choisie. Quand l’épicerie, le parc et le bureau de quartier sont à quelques pas, le déplacement redevient une option agréable plutôt qu’une nécessité épuisante. Cela libère du temps, réduit le stress, favorise la santé physique et renforce le lien social en multipliant les interactions de voisinage. C’est une vision qui remet l’humain, et non la voiture, au centre de la conception urbaine.

Plan d’action : Évaluez le potentiel « quart d’heure » de votre quartier

  1. Points de contact : Listez tous vos services essentiels (épicerie, pharmacie, école, parc, bibliothèque) et évaluez leur présence ou absence dans votre voisinage immédiat.
  2. Collecte : Pour chaque service présent, chronométrez le temps de marche ou de vélo réel pour l’atteindre depuis votre domicile. L’itinéraire est-il sécuritaire et agréable ?
  3. Cohérence : Confrontez vos temps de trajet à l’idéal de 15 minutes. Identifiez les « déserts de services » qui vous forcent à prendre la voiture.
  4. Mémorabilité/émotion : Évaluez la qualité de vos trajets locaux. Sont-ils une corvée (trottoirs étroits, bruit) ou un plaisir (verdure, calme, rencontres) ?
  5. Plan d’intégration : Identifiez une action citoyenne pour combler un manque. Cela pourrait être de soutenir un nouveau commerce local, de demander un meilleur aménagement piétonnier ou de créer un jardin communautaire.

L’enjeu est de transformer chaque quartier en un « archipel de proximité », un milieu de vie complet et désirable, réduisant à la source le besoin de longs déplacements motorisés.

Comment nous déplacerons-nous quand la moitié du Québec aura plus de 65 ans ?

Toute réflexion sur la mobilité de demain doit intégrer une donnée démographique incontournable : le vieillissement de la population. Selon les projections de l’Institut de la statistique du Québec, près de 25% de la population québécoise aura 65 ans et plus en 2031. Cette transition a des implications majeures sur les besoins en transport. Pour de nombreux aînés, en particulier ceux vivant en dehors des grands centres ou confrontés à une perte d’autonomie, la mobilité n’est pas une question de confort, mais un enjeu vital d’accès aux soins, aux services et au lien social.

L’automobile, longtemps symbole de liberté, peut devenir un facteur d’isolement lorsque la conduite n’est plus possible ou sécuritaire. Dans un Québec où l’aménagement a longtemps tout misé sur la voiture individuelle, garantir le droit à la mobilité pour les aînés est un défi immense. Il ne s’agit pas seulement d’adapter les véhicules, mais de créer un écosystème de solutions flexibles : transport en commun accessible, services de transport à la demande, covoiturage communautaire, et surtout, des quartiers où l’on peut vieillir chez soi grâce à la proximité des services.

Scène chaleureuse montrant différentes générations partageant un moment de transport collectif en hiver

Des initiatives comme le Programme d’aide au transport collectif régional, renouvelé pour 2025-2029, montrent une prise de conscience. En ciblant spécifiquement les personnes aînées en milieu rural ou isolé, ce programme reconnaît que la solution ne peut pas être unique. Il soutient des projets de transport adapté et à la demande qui sont souvent la seule planche de salut pour maintenir l’autonomie et briser la solitude. La mobilité des aînés nous oblige à penser en termes d’équité et de flexibilité, loin des modèles rigides et standardisés.

Penser la mobilité de 2050, c’est s’assurer qu’un citoyen de 80 ans à Matane ait des options fiables pour se déplacer, tout comme un jeune professionnel à Montréal. C’est un test fondamental de l’inclusivité de notre société.

Électrique, hydrogène ou biocarburants : la guerre de l’énergie pour la mobilité de demain aura-t-elle lieu ?

La question de l’énergie est au cœur de la transition des transports. Au Québec, la conversation est largement dominée par le véhicule électrique (VÉ), présenté comme la solution miracle grâce à notre hydroélectricité propre. Si l’électrification du parc automobile léger est une avenue prometteuse, la présenter comme l’unique solution serait une erreur. Une approche nuancée révèle qu’une « guerre de l’énergie » n’aura probablement pas lieu ; nous nous dirigeons plutôt vers un mix énergétique stratégique, où chaque source trouvera sa pertinence selon l’usage.

Le tableau ci-dessous, inspiré des orientations du ministère des Transports du Québec, illustre cette complémentarité. L’électricité est idéale pour les véhicules légers et le transport urbain, mais montre ses limites pour le transport lourd sur de longues distances. De plus, son efficacité est mise à rude épreuve par notre climat. Une étude de CAA-Québec a démontré que par temps froid, les VÉ peuvent subir une perte d’autonomie moyenne de 14% à 39%, un facteur non négligeable pour les conducteurs québécois.

Comparaison des solutions énergétiques pour le transport au Québec
Source d’énergie Applications privilégiées Avantages québécois Défis principaux
Électrique (Hydro-Québec) Véhicules légers, transport urbain Énergie propre et abondante Pointe hivernale, autonomie réduite par le froid
Hydrogène vert Transport lourd, camionnage longue distance Production possible avec hydroélectricité Infrastructure de distribution à développer
Biocarburants Transport maritime (traversiers), aviation régionale Ressources forestières importantes Compétition avec d’autres usages de la biomasse

L’hydrogène vert, produit à partir de notre électricité, apparaît comme une solution d’avenir pour décarboner les secteurs difficiles comme le camionnage longue distance ou les autobus. Les biocarburants, issus de notre biomasse forestière, pourraient jouer un rôle clé dans des niches comme le transport maritime (nos traversiers) ou l’aviation régionale. Le débat n’est donc pas de choisir un champion, mais de déployer intelligemment la bonne énergie au bon endroit, en fonction de nos atouts et de nos contraintes géographiques et climatiques.

L’avenir énergétique de la mobilité québécoise ne sera pas une monarchie absolue de l’électron, mais plutôt une république fédérée de solutions complémentaires.

Copenhague ou Tokyo : quel modèle de transport peut vraiment inspirer le Québec ?

Dans notre quête de solutions, il est tentant de regarder vers l’étranger. Copenhague et ses autoroutes cyclables ou Tokyo et son réseau ferroviaire d’une ponctualité légendaire sont souvent cités en exemple. Cependant, un copier-coller de ces modèles serait voué à l’échec. L’inspiration doit être sélective et, surtout, adaptée à la réalité unique du Québec : sa faible densité, l’immensité de son territoire et, par-dessus tout, son hivernale. Un modèle de mobilité pertinent pour le Québec ne peut ignorer les six mois de conditions hivernales.

Plutôt que d’importer des plans, nous devrions importer des principes et les adapter. L’inspiration ne vient pas de Copenhague, mais d’Oulu, en Finlande, une ville nordique où le vélo d’hiver est une pratique courante grâce à des infrastructures déneigées en priorité. L’inspiration pour l’électrification rurale ne vient pas de la France, mais de la Norvège, qui a su déployer un réseau de bornes de recharge jusque dans ses régions les plus reculées, avec des technologies adaptées au froid.

Adopter les leçons des modèles nordiques ou à haute densité signifie se concentrer sur des solutions pragmatiques et résilientes, comme le démontre la liste d’actions suivante :

Les leçons des modèles performants applicables au Québec

  • Adopter la culture du vélo d’hiver inspirée d’Oulu (Finlande) avec des pistes cyclables entretenues comme des artères principales.
  • Développer l’électrification rurale sur le modèle norvégien avec des bornes de recharge conçues pour résister au grand froid.
  • Implanter des systèmes de transport à la demande flexibles pour desservir les zones à faible densité, une solution clé pour nos régions.
  • Intégrer la planification urbaine et les opérateurs de transport, comme à Tokyo, pour que chaque nouveau développement soit pensé avec et pour le transport collectif.
  • Créer des corridors de mobilité quatre saisons, incluant des passages piétons couverts ou chauffés à proximité des stations de transport en commun.

Le défi québécois n’est pas de devenir Amsterdam, mais de devenir la meilleure version d’un territoire nord-américain, nordique et francophone, avec des solutions de mobilité qui lui sont propres.

Construire la ville autour du transport (et non l’inverse) : le secret des métropoles dynamiques

L’une des erreurs fondamentales du développement nord-américain au 20e siècle a été de construire des quartiers, puis de se demander comment les desservir par des routes. Les métropoles les plus dynamiques du 21e siècle inversent cette logique : elles construisent la ville autour du transport collectif. Ce principe, connu sous le nom de « Transit-Oriented Development » (TOD) ou « Développement axé sur le transport en commun », est un pilier de la mobilité durable. Le concept est simple : concentrer le développement résidentiel, commercial et de bureaux dans un rayon de marche (environ 10 à 15 minutes) autour des stations de transport en commun à haute fréquence, comme un métro, un tramway ou un train de banlieue.

Au Québec, le Réseau express métropolitain (REM) à Montréal est l’exemple le plus ambitieux de cette approche. De nouveaux quartiers entiers, comme Solar Uniquartier à Brossard, sont conçus et bâtis en fonction des futures stations. L’idée est de créer des milieux de vie denses et complets où la voiture n’est plus une nécessité, mais une option parmi d’autres. En garantissant un accès rapide et fiable au reste de la métropole via le transport structurant, on peut se permettre de densifier et de créer une vie de quartier animée, avec des commerces et des services accessibles à pied.

Cependant, cette approche n’est pas sans défis. Le principal risque est la spéculation immobilière et la gentrification, qui peuvent chasser les résidents à plus faible revenu des abords des stations. De plus, les défis spécifiques à notre climat nordique doivent être pris en compte : comment assurer une accessibilité agréable aux stations en plein hiver ? Comment créer des espaces publics attractifs malgré la neige et le froid ? Réussir un projet TOD au Québec, c’est donc non seulement bien l’intégrer au réseau de transport, mais aussi le concevoir pour une vie confortable quatre saisons par année, en évitant les erreurs d’urbanisme du passé qui ont créé des fractures dans nos villes.

Le succès du REM et des futurs projets structurants au Québec se mesurera moins à leur vitesse commerciale qu’à leur capacité à générer des milieux de vie complets, équitables et résilients.

À retenir

  • La priorité n’est plus d’optimiser les véhicules, mais de repenser l’aménagement du territoire pour réduire la dépendance à la mobilité forcée.
  • La « ville du quart d’heure » est un projet de société visant à transformer la mobilité subie (le navettage) en mobilité choisie (le loisir, la découverte).
  • Le climat, la démographie et la géographie du Québec exigent des solutions de mobilité uniques et adaptées, et non l’importation de modèles étrangers.

Le Québec uni par la mobilité : mythe ou projet réalisable ?

L’idée d’un Québec « uni » par la mobilité a longtemps été associée à de grands projets d’infrastructure liant les territoires, comme un TGV entre les métropoles. Si ces liens sont importants, cette vision ignore la diversité profonde des besoins en mobilité à travers la province. Unir le Québec par la mobilité en 2050 ne signifiera pas offrir le même mode de transport à tous, mais garantir à chacun une équité d’accès à des options de déplacement dignes et adaptées à son milieu de vie.

Cette vision est brillamment résumée dans un témoignage qui propose une approche à plusieurs échelles : un transport à grande vitesse pour les corridors denses, des services d’autocars modernes pour connecter les régions, et un soutien aux innovations locales pour la mobilité dans les petites municipalités. C’est la reconnaissance que le besoin d’un résident du Plateau-Mont-Royal n’est pas celui d’un aîné de la Gaspésie ou d’une famille du Saguenay.

Un Québec uni ne signifie pas le même transport pour tous, mais une équité de l’accès : TGV entre Québec et Montréal pour les corridors principaux, services d’autocars modernes et connectés pour les régions intermédiaires, et soutien à la mobilité locale innovante dans les plus petites municipalités. Cette vision reconnaît la diversité des besoins selon les territoires tout en garantissant à chacun un accès minimal à la mobilité.

Le projet réalisable n’est donc pas un grand plan uniforme, mais la construction d’un réseau d’« archipels de proximité ». Chaque municipalité, chaque quartier devient une île de services et de vie locale, réduisant la nécessité de longs déplacements. Ces archipels sont ensuite connectés entre eux par des liens efficaces, non pas pour le navettage quotidien, mais pour la mobilité choisie : visiter la famille, découvrir une autre région, participer à un événement culturel. C’est un projet qui valorise à la fois l’ancrage local et l’ouverture sur le reste du territoire.

Pour bâtir cette mobilité de demain, l’étape suivante consiste à engager la conversation dans nos propres communautés, à soutenir les initiatives locales et à questionner, avec un regard neuf, chaque déplacement que nous tenons pour acquis.

Questions fréquentes sur la mobilité du futur au Québec

Qu’est-ce que le Transit-Oriented Development (TOD)?

C’est un modèle d’aménagement urbain qui vise à concentrer le développement résidentiel, commercial et les bureaux autour des stations de transport en commun à haute efficacité, généralement dans un rayon de marche de 10 à 15 minutes. L’objectif est de créer des milieux de vie complets où la voiture n’est plus essentielle au quotidien.

Comment éviter les erreurs d’urbanisme du passé au Québec?

Une approche clé est d’éviter les grands projets d’infrastructure, comme les autoroutes urbaines, qui divisent et fracturent les quartiers existants. La priorité devrait être donnée à des projets qui « recousent » le tissu urbain, qui connectent les quartiers entre eux et qui favorisent les modes de transport actifs (marche, vélo) et collectifs plutôt que de créer de nouvelles barrières.

Quels sont les défis spécifiques du TOD en climat nordique?

Les principaux défis sont d’assurer l’accessibilité et le confort des usagers durant les quatre saisons. Cela implique de concevoir des cheminements piétonniers protégés, bien déneigés et éclairés, de créer des connexions intérieures ou chauffées entre les stations et les bâtiments avoisinants, et de maintenir l’attractivité des espaces publics même en plein cœur de l’hiver, par exemple avec du mobilier adapté ou des activités saisonnières.

Rédigé par Jean-Philippe Tremblay, Jean-Philippe Tremblay est un analyste en politiques publiques fort de 15 ans d'expérience, spécialisé dans l'analyse des impacts socio-économiques des grandes infrastructures de transport. Sa perspective macroscopique est reconnue pour éclairer les décisions stratégiques.